
Librement inspirés Les volumes de la mort ne sont pas ceux de l’immortalité de Jean Tardieu
7 textes inspirés par 7 photographies de Masques Mortuaires (Swift, Walter Scott, Pouchkine, Luther, Dostoïevski, Nietzsche et Lénine) qui donnent une performance musicale et gestuelle.


Performance et conception: Vahram Zaryan avec Jean-Etienne Sotty, accordéoniste
Musique: Januibe Tejera “Tremble”, Vincent Trollet “Oblique Cycle 1”
… Comment ne pas évoquer le titre d’un de ses poèmes préférés, Les Correspondances de Baudelaire, en écho à son amour ombrageux pour la peinture de son père et la musique de sa mère ? Oui, pour lui, « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent ». À la place de parfums, j’aurais dû écrire les mots, et on aurait eu une esquisse du portrait de Jean Tardieu. Il rêvait d’harmonie de concordance, lui qui savait aussi entendre «les confuses paroles» du monde, la part de l’ombre de chacun. Il l’avoue lui-même, dans La redevance : « J’ai mis ma folie à part. C’est une pièce nue que j’ouvre seul, avec précaution. C’est pourquoi je souris si poliment et m’intéresse au reste de ma vie avec une sorte de joyeux appétit. »
Il aimait correspondre avec ses amis, surtout lors de son exil militaire à Hanoï, écrire et recevoir leurs lettres. C’était le lieu idéal pour interroger les mots, « ses outils d’artisan vieux comme le monde », tel un sphinx qui cherche sa propre identité à travers ces échanges. Il gardait ces lettres comme de précieux cadeaux, les relisait, les rangeait dans des chemises aux couleurs symboliques. Toute sa vie, il scrutera le langage, en utilisant le langage, et en ajoutant, comme le fera le Professeur Froeppel, « mais je n’ai pas encore pu trouver langage », ce langage que Virginia Woolf trouvera difficile car subtil et inattendu. Gaston Bachelard trouve que d’un mot, « vous rafraîchissez les possibilités oubliées. L’espace ancien, vous lui rendez un avenir » ; sans oublier Jules Supervielle qui savoure la jeunesse du Fleuve caché, saluant sa source venant de profondeurs qui émeuvent. Mais je laisse le mot de la fin (s’il y en a une !) à Jean Tardieu dans cette lettre inachevée qu’il adressait à son ami Raymond Queneau: « la correspondance, ça nous rappelle les tramways de jadis (une corress’ pour l’odéon siouplaît !) ». Et ça lui rappelle aussi les correspondances avec les autres arts, non sans une distance amusée : « Nous autres gens de lettres, nous ne cessons de nous adresser des missives recommandées ou peu recommandables. On s’entre-écrit, on s’entrelit et on s’entre-dévore… comme les peintres s’entre-barbouillent ou s’entre vernissent, comme les musiciens s’entre-assourdissent ! et tant mieux (ou tant pis) ».
Françoise Dax-Boyer
